Analyse et position du SLFP-Enseignement face aux décisions budgétaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles telles que reprises dans le document de référence : "Communiqué officiel du Gouvernement FWB – Budget 2026-2029" (https://gouvernement.cfwb.be/home/presse--actualites/communiques-de-presse/presses/budget-2026-2029-accord-au-gouvernement-de-la-federation-wallonie-bruxelles-pour-garder-sous-controle-le-deficit-budgetaire.html) »
Le 10 octobre 2025, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) a présenté son budget pluriannuel 2026-2029.
Un budget sous contrainte, mais à quel prix ?
Objectif affiché : réduire le déficit de 1,6 milliard à 1,2 milliard d'euros d’ici 2029, tout en “préservant les priorités essentielles” — dont l’enseignement.
Derrière ce discours technocratique se cachent pourtant près de 86 millions d'euros d’économies dans l’enseignement, un secteur qui représente plus de la moitié du budget global de la FWB.
Autrement dit, l’équilibre budgétaire est recherché sur le dos des personnels de l’enseignement.
Ce qui change concrètement dans l’enseignement obligatoire
⭕ 1. Allongement du temps de travail
Les enseignants du secondaire supérieur verront leur charge passer de 20 à 22 périodes hebdomadaires, sauf exceptions en début ou fin de carrière.
▶️ Justification officielle : meilleure “harmonisation des services” entre niveaux d’enseignement et “optimisation des ressources”.
❌ Position du SLFP-Enseignement : cette mesure équivaut à une hausse de la charge de travail de 10 % sans revalorisation salariale. Elle réduit le temps de préparation et de suivi des élèves, aggravant le stress et la fatigue professionnelle. Et ce, sans oublier que cette mesure engendrera, inéluctablement et mathématiquement, la perte de 10% des emplois actuels.
⭕ 2. Réforme du régime maladie
Désormais, après épuisement du pot de maladie, le traitement d’attente de la disponibilité pour raison médicale tombera directement à 60 % du salaire (contre 80% actuellement durant la première année).
▶️ Justification officielle : “Équité” entre fonctionnaires et enseignants.
❌ Position du SLFP-Enseignement : cette mesure injuste fragilise les agents en cas de maladie de longue durée et nie la spécificité du métier d’enseignant, soumis à une usure psychologique importante.
⭕ 3. Restriction des absences sans certificat médical
Seulement trois jours par an pourront être pris sans certificat médical (jours de carence).
▶️ Objectif affiché : lutter contre les abus et uniformiser les pratiques.
❌ Position du SLFP-Enseignement : cela traduit un signal de méfiance envers les travailleurs et alourdit la charge administrative des directions et des médecins. Le SLFP y voit un signal négatif, contraire à la confiance et à la bienveillance que le métier exige.
⭕ 4. Plafonnement du dispositif DPPR à 24 mois
À partir du 1er janvier 2026, le dispositif de Disponibilité Précédant la Pension de Retraite (DPPR) — qui permet aux membres du personnel de 55 ans et plus de bénéficier d’un aménagement de fin de carrière — sera désormais limité à une durée maximale de 24 mois, qu’il soit exercé à temps plein ou à temps partiel.
▶️ Conséquence : Jusqu’ici, la DPPR offrait aux enseignants un dispositif de prévention de l’usure professionnelle reconnu et efficace, leur permettant de poursuivre leur mission dans de meilleures conditions physiques et psychologiques, tout en assurant une transition progressive vers la pension.
Le plafonnement à 24 mois vide ce mécanisme de sa substance : il empêche une gestion individualisée des fins de carrière, fragilise les agents les plus expérimentés et risque de provoquer une augmentation des absences pour maladie longue durée, voire des départs anticipés.
❌ Position du SLFP-Enseignement : Une restriction majeure, passée sous silence dans la communication gouvernementale, qui réduit considérablement la portée d’un outil essentiel de prévention de l’usure professionnelle.
Il s’agit d’une mesure de pure économie budgétaire, contraire à toute politique de bien-être au travail et à la reconnaissance du métier enseignant.
⭕ 5. Suppression du barème 501 pour les titulaires du master en sciences de l'éducation
Fin du barème 501 dans le fondamental et le DI pour les AESI et instituteurs titulaires d’un master en sciences de l’éducation.
▶️ Conséquence : perte de reconnaissance académique et salariale pour les AESI et instituteurs qui se forment davantage.
❌ Position du SLFP-Enseignement : une mesure contre-productive, qui décourage la formation continue et affaiblit la valorisation des compétences pédagogiques.
⭕ 6. Réduction des détachements pédagogiques
Suppression de 270 postes de détachés pédagogiques.
▶️ Justification officielle : "Ramener les enseignants sur le terrain".
❌ Position du SLFP-Enseignement : ces détachements jouent un rôle crucial dans la formation, l’innovation pédagogique et le soutien aux équipes. Leur disparition risque de désorganiser le système d’accompagnement et de créer des pertes d’expertise, provoquant un affaiblissement majeur du système.
⭕ 7. Fin des nominations et barèmes bloqués
Les nominations seront progressivement suspendues, remplacées par des CDI assortis d’une revalorisation unique de 5 %, mettant aux oubliettes la valorisation du nouveau titre de niveau « master ».
▶️ Justification officielle : “simplification et souplesse” du statut.
❌ Position du SLFP-Enseignement : cela revient à remplacer la sécurité statutaire par la précarité contractuelle, avec une hausse de salaire mineure pour compenser la perte du statut. C’est un glissement majeur vers la contractualisation du métier.
⭕ 8. Réduction de 30% des Conseillers au Service d’Aide (CSA)
▶️ Impact : baisse des capacités de suivi, d’évaluation et de médiation dans les établissements.
❌ Position du SLFP-Enseignement : un affaiblissement d’un maillon essentiel du système éducatif, qui participe à la prévention des conflits et au soutien administratif, au moment même où les besoins explosent.
⭕ 9. Non-indexation des moyens attribués aux écoles
Le budget 2026-2029 introduit une non-indexation partielle des dotations et subventions versées aux établissements.
▶️ Justification officielle : “maîtriser les dépenses publiques”
❌ Position du SLFP-Enseignement : Concrètement, cela signifie que les coûts liés à l’énergie, au matériel, à la maintenance ou aux salaires du personnel ouvrier dans les établissements WBE continueront à augmenter, mais sans compensation budgétaire équivalente.
Le SLFP-Enseignement y voit une austérité silencieuse, qui fragilisera la gestion quotidienne des écoles : moins de moyens pour le matériel pédagogique, les activités éducatives et l’entretien des bâtiments. Le personnel ouvrier, déjà fragile, risque d’être la variable d’ajustement budgétaire mettant encore plus à mal l’intégrité des écoles.
Cette décision revient à faire supporter aux directions et aux PO la hausse des coûts de la vie, sans moyens supplémentaires.
⭕ 10. Fin de la gratuité dans le primaire
Fin de la gratuité complète en primaire, remplacée par 25 millions € attribués aux écoles « qui en ont le plus besoin ».
▶️ Justification officielle : “mieux cibler l’aide”.
❌ Position du SLFP-Enseignement : c’est un recul du principe d’égalité, introduisant une école à deux vitesses. Les familles des classes moyennes modestes seront les principales perdantes de cette mesure.
⭕ 11. Suppression du brevet infirmier
Le gouvernement de la FWB a décidé de supprimer dès la rentrée 2026-2027 le brevet infirmier tel qu’il est actuellement organisé dans le 4ᵉ degré de l’enseignement secondaire professionnel (formation de niveau 4, 3,5 ans), et de déplacer ou redéployer la formation vers un profil « assistant en soins infirmiers (niveau 5) » dans l’enseignement pour adultes.
▶️ Justification officielle : Le brevet infirmier "centré sur la pratique" ne répondrait plus aux exigences de la directive européenne (UE 2024/782), qui exige pour les infirmiers responsables de soins généraux (IRSG) des compétences accrues — autonomie, encadrement, recherche — que la formation actuelle ne permettrait pas pleinement.
❌ Position du SLFP-Enseignement : Cette décision est une régression grave, tant pour la qualité de la formation que pour l’égalité des chances. Le brevet infirmier représentait un véritable ascenseur social : accessible après l’enseignement secondaire, il permettait à des jeunes d’accéder directement à la profession infirmière, sans devoir passer par le bachelier. En supprimant cette voie, le gouvernement restreint l’accès à la profession, renforce la sélectivité et affaiblit la capacité de la FWB à répondre à la pénurie d’infirmiers.
De surcroît, le glissement de la formation vers l’enseignement pour adultes (en principe moins adapté aux jeunes issus du secondaire) apparaît comme une manière d’externaliser la dépense et de sortir du cadre statut-formation traditionnel, ce qui va à l’encontre de la mission du service public d’éducation.
Et dans l’enseignement supérieur ?
Le secteur de l’enseignement supérieur n’échappe pas aux mesures d’austérité.
Le budget 2026-2029 prévoit 10,8 millions d’euros d’économies, présentées comme des “ajustements d’efficience”, mais qui se traduisent concrètement par une réduction des moyens humains et matériels au sein des hautes écoles et universités.
Parmi les mesures :
💢 1. DPPR limitées à 2 ans
Comme dans l’enseignement obligatoire, le dispositif de Disponibilité Précédant la Pension de Retraite (DPPR) sera désormais limité à 24 mois, qu’il s’agisse d’une demande à temps plein ou à temps partiel.
❌ Position du SLFP-Enseignement : Cette mesure supprime la flexibilité nécessaire à l’aménagement progressif des fins de carrière, alors que les enseignants de l’enseignement supérieur exercent souvent des fonctions d’encadrement, de recherche et de suivi administratif particulièrement exigeantes.
En fragilisant les conditions de départ, le gouvernement risque d’accroître la pénibilité et la désaffection dans un secteur déjà confronté à une charge de travail croissante et à des tensions budgétaires fortes.
💢 2. Création du Droit Individuel à l’Enseignement Supérieur (DIES) dès 2027
Le gouvernement annonce la mise en place, à partir de 2027, d’un Droit Individuel à l’Enseignement Supérieur (DIES).
Ce dispositif vise, selon la communication officielle, à favoriser la formation tout au long de la vie.
❌ Position du SLFP-Enseignement : En l’absence de cadre clair sur son financement et sa mise en œuvre, le SLFP-Enseignement reste prudent : cette mesure pourrait s’avérer symbolique si elle ne s’accompagne pas de moyens nouveaux.
En effet, sans financement additionnel, le DIES risque de transférer la charge financière vers les établissements ou les apprenants eux-mêmes, ce qui accentuera les inégalités d’accès et alourdissant encore la pression sur les équipes pédagogiques.
💢 3. Hausse du minerval et ségrégation sociale
Le minerval maximum passera de 835 € à 1 194 €, modulé selon trois paliers de revenus familiaux, les étudiants boursiers restant exemptés.
❌ Position du SLFP-Enseignement : Dans un contexte où le coût de la vie étudiante explose (logement, transport, alimentation), cette hausse renforce la fracture sociale entre les familles aisées et les classes moyennes modestes, déjà sous pression.
Le risque est clair : une sélection par l’argent, contraire à la mission de service public et à l’égalité des chances garantie par la Constitution.
💢 4. Gel partiel des financements et non-indexation
Les établissements supérieurs subiront également un gel partiel et une non-indexation de leurs subventions et dotations de fonctionnement.
❌ Position du SLFP-Enseignement : Les coûts liés à l’énergie, aux infrastructures, aux bibliothèques ou au matériel scientifique continueront d’augmenter, mais sans compensation budgétaire équivalente.
C’est une austérité silencieuse, qui érode la qualité de l’enseignement, la recherche et le soutien administratif. En pratique, cela signifie moins de moyens pour les laboratoires, les stages, l’accompagnement des étudiants, et une pression croissante sur le personnel administratif et académique, déjà sous tension.
Des “mesures positives”… au discours trompeur
Pour contrebalancer ces décisions, le gouvernement a mis en avant plusieurs mesures annoncées comme "positives" :
Le gouvernement met en avant :
➡️ une “revalorisation” des directeurs et maîtres de stage ;
➡️ la création de 220 postes pour le PMS et l’accompagnement ;
➡️ le maintien partiel de la gratuité pour les repas dans l’encadrement différencié ;
➡️ la préservation de la qualité par des mesures qui seraient sans impact.
Pour le SLFP-Enseignement, même si certaines mesures sont effectivement positives, elles demeurent limitées et ne compensent en rien les atteintes structurelles au statut, à la charge de travail et à la qualité du service public.
Notre lecture syndicale
Le SLFP-Enseignement dénonce une réforme d’austérité dissimulée sous le vocabulaire de la "responsabilité budgétaire". Le gouvernement a fait le choix de ponctionner les moyens humains du système éducatif au lieu d’investir dans sa qualité.
Constats du SLFP-Enseignement :
💢 Hausse du temps de travail sans revalorisation.
💢 Perte de statut et précarisation accrue.
💢 Réduction du dispositif DPPR à 24 mois.
💢 Désengagement progressif de la FWB de sa mission éducative.
💢 Communication gouvernementale axée sur la gestion, pas sur la pédagogie.
Ces mesures s’inscrivent dans une logique comptable, non éducative. Le discours de "ciblage" masque mal la volonté de réduire durablement la masse salariale.
Nos revendications syndicales
Le SLFP-Enseignement exige :
✅ 1. Le retrait ou la suspension des mesures les plus pénalisantes.
✅ 2. Une concertation réelle et préalable avant toute modification statutaire.
✅ 3. Le maintien du statut et des nominations.
✅ 4. Une revalorisation salariale juste et non conditionnée à la contractualisation.
✅ 5. Des garanties sur les conditions de travail et le bien-être du personnel.
✅ 6. Le maintien intégral du dispositif des DPPR (Disponibilité Précédent la Pension de Retraite) dans ses modalités actuelles, sans limitation de durée ni restriction pour les demandes de modifications de la charge horaire.
✅ 7. La révision de la politique de financement de l’enseignement public.
Notre position : défendre le service public, pas la logique comptable
Derrière la rhétorique de “rationalisation”, le SLFP-Enseignement observe une perte progressive de moyens humains et financiers dans un secteur qui devrait pourtant être au cœur de la transition sociale et économique.
L’enseignement n’est pas une variable d’ajustement budgétaire. Ces mesures, sous couvert d’équilibre financier, s’attaquent au cœur du service public d’éducation.
➡️ Nous ne laisserons pas nos conditions de travail être fragilisées.
➡️ Nous refusons que la qualité de l’enseignement devienne une question de budget.
➡️ Nous continuerons à défendre tous les personnels de l’enseignement, la valeur du travail enseignant et le droit de chaque élève à un enseignement de qualité et accessible, à tous les niveaux.
Parce que l’avenir de l’enseignement mérite mieux qu’un plan d’économie calculé sur Excel !
SLFP-Enseignement : Solidaires, déterminés, mobilisés.
